lundi 25 novembre 2013

Tribune de Femmes solidaires à l'occasion du 25 novembre et de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel


Libérez notre pays...

Une fois de plus cette année, le 25 novembre Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égarddes femmes, n’est malheureusement pas célébré en vain. Cette journée, proclamée officiellement comme telle le 17 décembre 1999 par la résolution 54/134 de l’Assemblée générale des Nations unies, se tiendra cette année dans une situation paradoxale. Personne ne peut nier que depuis plusieurs années les violences faites aux femmes sont mieux prises en compte collectivement par les institutions et le grand public. Cependant, dans le même temps, des attaques extrêmement coordonnées sont portées à l’encontre des femmes, remettant en cause leur parole, banalisant les violences dont elles sont régulièrement la cible, violences verbales, physiques, postures humiliantes dans lesquelles on les cantonne. Ne nous méprenons pas, ces menaces ne sont pas le fait d’individus isolés : nous assistons à la structuration d’un mouvement masculiniste. Par divers modes de communication (télévision, net, réseaux sociaux…), ce mouvement tente de renforcer son audience et, par là-même, le système patriarcal et ce pour ne pas perdre son pouvoir et ses privilèges bien installés dans notre société.
Ainsi, en 2013, des offensives successives ont été rendues publiques toujours soutenues par les mêmes personnalités. Du haut des grues, des pères de famille connus pour avoir été violents à l’encontre de leur ex-conjointe sont venus demander la garde alternée systématique lors des séparations. Durant la présentation au Parlement de la loi pour une égalité entre les femmes et hommes, de nombreux amendements rétrogrades ont été soutenus par des élus conquis à cette cause. Il y a quelques semaines, une pétition était rendue publique sous le nom de « Touche pas à ma pute ». Il y a quelques jours, des artistes se sont rassemblés pour demander au Gouvernement de reconnaître que certaines personnes prostituées le sont volontairement et donc de faire de la prostitution un métier.
C’est dans ce contexte extrêmement préoccupant que la loi sur l’abolition du système prostitutionnel sera présentée au Parlement les 27 et 29 novembre prochains. Cette loi, si elle voit le jour, sera l’aboutissement de deux siècles de batailles des abolitionnistes pour faire reculer le système prostitutionnel, système pointé par les humanistes du 19e siècle comme le dernier bastion de l’esclavage dans notre pays. Il s’agira de trouver un cadre législatif à l’abolition de la prostitution et répondre de façon spécifique aux fléaux qu’elle engendre en premier lieu pour les personnes prostituées : stigmatisation, difficultés à se réinsérer, impunité des clients. Depuis ses prémices, le mouvement abolitionniste n’a cessé de dénoncer la criminalisation des personnes prostituées et l’impunité des clients : il est temps que la donne change. Si la prostitution est une violence, cessons la démagogie, pénalisons les auteurs de ces violences : les trafiquants, les proxénètes mais aussi les clients, même s’ils sont footballeurs, artistes, présentateurs d’émissions, ou hommes politiques… Le gouvernement doit avoir le courage d’aller au bout de sa démarche sans complaisance.
Nous, féministes, ne sommes pas des puritaines. Si nous voulons l’abolition de la prostitution et nous opposons à l’industrie du sexe et de la pornographie, c’est parce qu’aujourd’hui celles-ci font leur fortune en passant sur le corps des femmes les plus vulnérables, les plus pauvres, et proposent à notre jeunesse une vision déformée de ce qu’est une sexualité libre et épanouie.
Nous nous revendiquons de ces mouvements de libération des femmes qui ont permis la libération sexuelle. Mais cette libération sexuelle ne peut exister sans rapport d’égalité, sans estime de soi entre partenaires. Celui qui achète le corps d’une femme lui impose un rapport d’inégalité, un cadre indigne d’un rapport humain.
Nous en appelons aux députés, aux sénateurs, aux ministres et au Président de la République. Votre action est décisive pour libérer notre pays de cette barbarie qu’est la prostitution, pour franchir un pas vers plus d’égalité. Nous appelons spécifiquement les députés à supprimer les amendements masculinistes adoptés par le Sénat lors du vote de la Loi pour une égalité entre les femmes et les hommes. Comme toutes les grandes batailles émancipatrices, l’avancée des droits d’une minorité visible ou sociale libère toute la société.

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